Nous voici confrontés à nouveau à des décisions qui rendent en apparence nos activités impossibles.
Les dojo sont fermés. Une heure et un kilomètre sont des restrictions qui heurtent de plein fouet nos aspirations, nos désirs de vivre et de conquérir notre temps.
L’impossibilité de se projeter dans l’avenir frappe durement notre intégrité car dire je consiste toujours à équilibrer présent et futur.
A moins d’entrer en résistance et de s’autoriser la clandestinité, nous allons devoir subir ce qui probablement nous révolte. Dès lors, le combat est intérieur. Il est à l’évidence à l’intérieur des limites que nous imposent les décrets en vigueur mais surtout à l’intérieur de nos consciences.
La première bataille : ne pas être démoralisé : vous savez, cet effondrement de l’énergie qui éteint nos désirs, met nos projets à distance, nous interdit de penser à notre avenir, à l’avenir.
Pour ne pas faire cette chute, mettez la pratique quotidienne dans chacune de nos journées, faites-en un axe de consolidation de chaque instant. Nous sommes des budoka, c’est-à-dire que rien de ce qui nous est extérieur ne décide pour nous. Rien de ce qui nous arrive ne nous est étranger.
Soyez et restez un budoka en toutes circonstances. Ne vous résignez jamais, sachez que toute épreuve consiste à convertir ce qui pourrait être une souffrance en opportunité, une occasion de se renforcer. La faiblesse ne fait pas partie de l’attirail du budoka car il a l’obligation morale de secours aux autres. Il doit être le premier à livrer la deuxième bataille :
Protégez les vôtres de cette chute du moral, soyez suffisamment fort et responsable pour incarner l’espoir, nourrissez de votre énergie leurs projets, faites briller leur avenir. Aidez vos conjoints, vos parents, vos enfants, vos élèves, tous ceux qui seraient atteints, qui vivraient cet enfermement comme un coup porté à leur intégrité. Transmettez la force du budo. Le covid vous donne une grande opportunité d’être un budoka utile.
Nous surmonterons ces difficultés. Le Kobayashi Ryu vivra et se développera encore. Vos dojo seront à nouveau plein d’élèves si vous ne laissez pas entre les mains et les dires de qui que ce soit l’accès à votre corps, à votre mental, à votre cœur. Si vous travaillez à structurer encore votre corps, à accroître votre puissance mentale, à construire votre technique, autant dire, à développer vos capacités psychosomatiques, vous serez celui vers qui l’on se tournera car il ne laisse gouverner que son esprit, et ce faisant, il met en lumière celui de tous.
Une situation telle que celle que nous rencontrons peut faire des dégâts si nous laissons des émotions négatives prendre le contrôle de nos vies. Mais nos esprits de budoka sont acérés comme des lames de katana. Quarante mille fois polis par la répétition des gestes martiaux, ils ont érigé en nous une forteresse indestructible dont les portes peuvent toujours rester ouvertes, car rien ne peut ébrécher, émousser, faire reculer nos lames.
Nous savons que rien ne peut pénétrer dans nos âmes si nous ne l’introduisons pas nous-mêmes. Vous avez appris à ne pas relayer la force de l’attaquant vers votre centre. Aucun katate ryote dori, aussi puissant soit-il, ne vous déséquilibre.
De la même façon, le sentiment d’être qui constitue votre axe psychosomatique se fonde à partir de votre âme et jamais à partir de l’extérieur. Il est le produit, comme tous vos sentiments d’une interaction entre votre esprit et votre conscience.
En ces temps, les oiseaux de mauvais augure sont légions. Mais leurs prophéties négatives ne peuvent vous atteindre car vous ne laissez à personne l’accès à cet espace incorruptible où s’élabore votre je, et toutes vos émotions qui le disent.
Votre aikido fait de vous la forteresse toujours ouverte où tous peuvent trouver refuge et que nul ne combattra car, le combat s’est déjà déroulé à l’intérieur de l’intérieur, dans la profondeur de votre âme, quand votre conscience a parcouru minutieusement le tranchant de votre lame. La liberté est une immense émotion qui naît de vous et exclusivement de vous. Le désir d’avenir en dépend. Ne laissez personne poser les mains sur votre lame.
Pratique pour tous :
Tenez le sabre devant vous, tranchant vers le ciel et sans bouger les yeux du tout, sans bouger la tête, déplacez votre vision de la pointe à la poignée et inversement, tous les jours, au moins une fois pendant cinq minutes. L’immobilité absolue des yeux et du corps, la mobilité de la conscience qui choisit vers quoi elle regarde, ce sera votre méditation quotidienne.
Concentrez-vous !